Un gros craquement sur le côté du chemin, un chevreuil qui s'enfuit... et notre cheval qui dit "courage, fuyons".
Première séance en carrière : notre ami, un peu tête de mule n'a qu'une idée : couper les coins et rejoindre au plus vite la sortie.
Dans le manège, ma jument est molle, molle; la tentation est grande de talonner, talonner.
L'autre cheval "hyper-speed", on a envie de le tenir serré.
Je n'ai pas enlevé mes chaussures en entrant dans la maison; la sanction est immédiate : ma femme hurle au scandale (forcémment le ménage vient d'être fait!).
Ces réactions du cheval comme de l'humain sont purement instinctives. L'instinct, c'est la recherche de l'intérêt personnel et immédiat.
Pour le cheval, c'est la recherche de la sécurité; c'est essayer de rejoindre le groupe (le cheval qui teste en partant cherche à satisfaire son instinct grégaire). Il essaie souvent de raccourcir la durée du temps de travail (en ballade, il est souvent plus pressé dans le sens du retour, en carrière, il aimerait couper de plus en plus les coins...). Il tente de satisfaire toujours plus sa gourmandise (s'il parvient à sortir de son pré ou de son box, on le retrouve souvent à l'endroit où le grain est stocké, il essaierait bien de piquer dans la gamelle du voisin). Il aime bien jouer (il lui arrive de découvrir le super-jeu "tombe-bonhomme").
Pour l'humain, l'instinct, c'est aussi la recherche de la sécurité (non pas principalement physique, mais plus financière; dans les conflits "d'argent", chacun défend âprement "son bifteck").
C'est aussi, souvent la recherche du groupe qui pense comme soi, qui a la même culture et qui rassure; voir les hordes de "hooligans", les bandes de banlieue (exemples de l'instinct grégaire humain)...Ce peut être la recherche de la diminution si ce n'est du temps de travail, du temps de corvée; c'est la recherche de la satisfaction de la gourmandise (au sens large de plaisirs).
Finalement les pulsions et les réactions instinctives sont assez semblables chez l'humain et chez le cheval.
Simplement, nous, humains devons être capables d'aller au-delà de cet instinct, de ces réactions primaires. Il faut réussir à avoir un regard extérieur, neuf, une sorte de "vue du dessus" sur soi, les autres et l'environnement, parvenir à remplacer la réaction instinctive par du raisonnement qui inclut la compréhension de "l'autre" et des circonstances.
Allez, quelques exemples pris dans des domaines totalement différents.
Prenons le cas du cavalier qui doit gérer le cheval mou en carrière. Plutôt que de se laisser aller à talonner en permanence, mettons un peu de reflexion, donnons lui envie de "jouer" à avancer.
Voici une idée qui peut fonctionner : essayer d'alterner (en usant de la voix) les moments où on exige des arrêts francs avec des moments d'immobilité respectée et des démarrages nets sur quelques foulées; on arrêtera le cheval avant que son élan ne s'éteigne et qu'il soit nécessaire de le pousser. On recommence ainsi de suite, éventuellement en compagnie d'un autre cheval. Petit à petit, il prendra goût au jeu et maintiendra de lui même son impulsion en attendant l'ordre de stopper.
Autre exemple, celui-ci complètement en dehors du domaine du cheval, plus politique, plus polémique : d'instinct, les fonctionnaires dont la retraite relève de régimes spéciaux s'arqueboutent sur leurs avantages. Qui ose dire que ces avantages sont payés par la collectivité ? Une attitude raisonnée consiste non pas à se réfugier derrière un slogan type "défendons nos retraites" mais à se demander si objectivement il est juste que l'ensemble de la population supporte le coût financier de ce privilège.
Allez, un petit exemple très terre-à terre touchant à notre activité.
Une internaute s'est offusquée que sur un cheval qu'elle connaissait nous espérions réaliser une marge brute de 800€. Instinctivement, on peut se dire, c'est beaucoup. Si on va plus loin et qu'on raisonne, on se rend compte que nous avons des frais de transport, de nourriture, de vétérinaire, de structure..., que nous prenons des risques avec nos chevaux avant de les proposer à la vente. Et que la marge des bons chevaux compensera la perte causée par les chevaux que nous finissons par brader à perte. Au final, nous avons l'immense privilège de vivre notre passion, certainement pas celui d'espérer faire fortune (heureusement, ce n'est pas notre but).
Et le cheval, est-ce qu'il peut raisonner?
Il n'est pas en mesure d'avoir le recul dont un humain peut et doit être capable. Par contre, il peut comprendre que tel effort immédiatement moins confortable qu'un "non-effort" lui amènera la "récompense-confort" si son cavalier-éducateur est assez réfléchi et habile pour la lui offrir promptement.
La qualité pédagogique du cavalier vis-à-vis de sa monture consistera à ancrer des bonnes habitudes dans la tête du cheval pour que celui-ci obéisse plus facilement à son éducation qu'à ses envies instinctives.
Si chacun essayait d'avoir en permanence dans ses actions, ses analyses, ses conflits, cette volonté de "se mettre au-dessus" en faisant abstraction de son intérêt immédiat, beaucoup de progrès seraient possibles.
Ha! ma femme vient de me relire. Elle remarque que cette chronique se rapproche de celle consacrée à "la facilité" (pas faux!) et elle me dit "vas-y, toi, commence à "te mettre au-dessus""... Ouhais... j'ai des progrès à faire.
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