Il y a quelques jours, nous avons reçu une jeune fille qui a eu un "coup de coeur" pour un joli petit cheval qui, de fait, lui convenait et avec lequel elle se sentait bien; elle était même surprise qu'un jeune cheval se comporte aussi bien. Mais la peur de se tromper l'a empêchée de se décider.
Nous avons essayé de comprendre ce processus psychologique si humain et assez fréquent.
Certaines décisions vont peser lourd dans une vie : le choix d'un conjoint, d'une maison, d'un métier... d'un cheval.
L'être humain va alors pour ces moments cruciaux fonctionner sur deux modes : le mode "je cherche" et le mode "je trouve" qui sont totalement distincts même s'ils sont en principe appelés à se succéder.
Analysons d'abord le mode "je cherche" :
Celui-ci montre un premier avantage : c'est un loisir, un apprentissage, une découverte; "tchater sur le net", sortir, rechercher l'âme-soeur peuvent être des activités d'échanges humains agréables, visiter des maisons dans des lieux géographiques divers fait voyager, a un côté "congés utiles", chercher un emploi permet des rencontres, encourage une ouverture d'esprit... chercher un cheval permet d'assouvir sa passion en discutant avec des gens du métier, en découvrant différentes races, d'éprouver des sensations variées en essayant divers chevaux.
Son deuxième avantage, c'est la sécurité : "Tant que je ne me suis pas engagé avec un conjoint, je suis sûr de ne pas me tromper". Même raisonnement avec un lieu d'habitation, un métier... ou un cheval.
Son troisième avantage et non le moindre, c'est qu'il préserve le rêve : "tant que je ne l'ai pas choisi , mon futur conjoint est toujours idéal, c'est encore le prince (ou la princesse) charmant(e). Même raisonnement pour une maison, un métier... ou un cheval.
Le dernier avantage, c'est que l'on peut encore reculer, changer d'avis : "et si finalement je préférais encore rester seul(e), ne pas me mettre les crédits d'une maison sur le dos, me contenter du chômage ou de mon job actuel... de m'épargner les soucis liés à la possession d'un cheval ?"
Examinons maintenant de manière parallèle le mode "je trouve" :
Ce mode a un premier inconvénient : il oblige à être responsable, à faire des efforts : faire des efforts pour vivre au mieux avec son conjoint, pour aménager sa maison et la payer, pour exercer consciencieusement son métier... pour comprendre son cheval, pour continuer à l'éduquer, pour faire face aux difficultés qui immanquablement surgiront.
Son deuxième inconvénient (par rapport à l'avantage "sécurité") : ce mode implique une notion de doute : "je vis les difficultés concrêtes liées à la vie commune, aux travaux de la maison, au stress du "boulot"... à la personnalité de mon cheval qui s'affirme". "Ai-je fait les bons choix ?"
Son troisième inconvénient : "je ne suis plus dans le rêve, mais dans le réel, le concrêt qui n'est jamais parfait."
Cette différenciation des modes "je cherche" / "je trouve" avec leurs caractéristiques est totalement inconsciente. La personne est simplement persuadée qu'en reportant sa décision, elle la rendra plus juste.
A un moment, pourtant il faudra bien passer au mode "je trouve" qui a quand même l'avantage d'offrir du Réel.
Idéalement le juste moment pour passer du mode "je cherche" au mode "je trouve" devrait être celui où "mon intuition, mon envie me disent "vas-y, c'est lui, c'est elle, c'est cette maison, c'est ce job... c'est ce cheval... peut-être... en tous cas je crois que j'ai envie d'essayer".
Malheureusement, fréquemment (je ne dis pas toujours), ce passage se fait au moment où les illusions du mode "je cherche" s'éteignent : les distances parcourues pour les sorties, les différentes découvertes deviennent des corvées, on n'est plus dans le loisir. L'absence de concrêt n'est plus une sécurité mais devient une déception. Le rêve disparait, on se rend compte qu'il n'y a pas d'âme-soeur idéale, pas de maison sans défaut, pas de métier toujours enthousiasmant... et pas de cheval parfait.
Concrêtement, concernant ceux qui cherchent un cheval : bien souvent, les personnes hésitantes n'achètent pas le cheval qui leur convient le plus, mais celui qu'elle penseront leur convenir à peu près au moment où elle auront basculé du mode "je cherche" au mode "je trouve".
J'ai eu des clients qui voulaient absolumment repartir de chez nous avec un cheval parce qu'ils se situaient à ce moment. J'en ai eu d'autres qui avaient trouvé le juste cheval et qui étaient incapables de saisir l'occasion.
Petite anecdote. L'un de nos visiteurs a eu une attitude très révélatrice.
A l'issue de l'essai, il a reconnu se faire plaisir avec un cheval dont la morphologie et le "look" lui convenaient. Mais la peur de se tromper le tenaillait. Il a demandé un autre essai et là, il s'est alors permis de galoper à fond sur une piste boueuse et glissante qu'il ne connaissait pas. Cet homme était incapable d'assumer le risque d'une décision (il était bloqué sur le mode "je cherche") mais n'hésitait pas par manque de prudence élémentaire, à prendre le risque beaucoup plus grand de voir le cheval chuter et se blesser. Cette attitude irraisonnée, évidemment il l'aurait eu avec sa future monture, mais ce risque-là ne semblait pas le gêner.
Je pense, même si je suis conscient que c'est difficile et que je n'y arrive pas toujours moi-même qu'il faut s'efforcer d'être libre et indépendant de ce processus "je cherche" / "je trouve"; Ce que l'on peut traduire par : osons faire des choix, être conscient du devoir de les assumer et de tout mettre en oeuvre pour être heureux de les avoir faits.
Et puis, accordons-nous le droit de se tromper et de recommencer; même si cela peut être difficile, on peut changer de vie, de conjoint, de maison, de travail... et de cheval.
Mieux vaut mettre toute son énergie et sa réflexion pour rendre ses choix positifs que pour retarder l'instant fatidique du passage du mode "je cherche" au mode "je trouve" en s'abritant derrière le "je ne veux pas me tromper"
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