Au risque d'être redondant avec certains textes rédigés précédemment, je tiens à synthétiser ici les quelques principes qui, à mon avis, permettent d'optimiser les probabilités de s'engager dans une voie positive avec son cheval.
1er principe : la notion de confort / inconfort
Dans toutes ses relations, même les plus anodines, avec son cheval, le cavalier doit avoir ce principe en tête : quand le cheval fait bien, cela doit être immédiatement confortable pour lui. Le confort, c'est d'abord cesser la pression et/ou la tension. Inversement, l'inconfort (tension, pression...) doit être donné immédiatement lorsque le cheval ne montre pas le juste comportement.
Quelques exemples : en main, le cheval respectueux doit être tenu, longe relâchée (combien de personnes s'accrochent à la longe...), s'il cherche à bousculer, à dépasser, immédiatement, la réponse doit se matérialiser par un geste d'inconfort (tension sur la longe, ondulation de la longe vers le cheval par exemples...). Autre exemple, cette notion implique aussi, si le cheval est grand, et/ou le cavalier petit et/ou peu souple, de privilégier un promontoire pour se hisser plus confortablement sur la monture.
Cette notion implique aussi d'être attentif aux douleurs et/ou aux gênes éventuelles du cheval (a-t-il besoin du dentiste et/ou de l'ostéo?). Si un cheval qui cherche à faire bien est récompensé par des douleurs chroniques, où est la logique ? Combien de chevaux, alors que leur cavalier se battent sur la bouche et sur les flancs à coups de talon, se défendent parce qu'ils souffrent ? Combien de cavaliers reprochent à leur cheval d'être rétif, nerveux, compliqué... simplement parce qu'ils n'ont pas compris ce principe logique et de bon sens ?
2ème principe : la nécessité de cohérence
Souvent, je vois des cavaliers user et abuser d'un appel de langue aussi bien pour appeler le cheval, que pour lui demander l'immobilité au montoir, que pour lui demander de partir...
Le juste principe, c'est un code (vocal, gestuel, d'attitude, de dispositions des aides) pour un effet recherché et un seul. Voici l'exemple-type d'une incohérence : un cavalier dont la monture avait un pas plus lent que les autres s'était fait distancé par le groupe. Le cheval, pour rattraper les autres s'est mis au trot. Le cavalier a émis un « hoooo » continu qui n'a pas empêché le cheval de rattraper les autres. Les différentes cohérences étaient : le cheval veut rattraper les autres, on ne l'empêche pas et il les rattrape. Ou, mieux, on sent qu'il veut rattraper les autres ; avant qu'il n'entame son trot, on le lui demande, et on le remet au pas en arrivant au niveau des autres. Ou encore, quand le cheval veut démarrer, on lui dit « ho », en s'asseyant fermement et en obtenant un vrai arrêt, avant de demander de repartir.
Petit point (qui aurait pu s'inscrire dans le premier principe) : lorsque l'on demande l'arrêt, relâcher aussitôt la tension dans les rênes, et toujours exiger l'immobilité avec « zéro tension » dans les rênes, le cheval ne devant redémarrer à l'allure désirée que quand on le lui demande. Laisser parfois repartir sa monture sans que l'on le lui demande brouillera les codes « cheval/cavalier ». Cette incohérence est hélas très fréquente.
3ème principe : « pour ne pas perdre la guerre, ne pas faire la guerre »
Ce proverbe chinois de mon invention pourrait également s'exprimer par « analysons une difficulté du point de vue du cheval et contournons-la, ou divisons-la en petites difficultés pour parvenir à nos fins en évitant les conflits » ou « partons du plus facile pour aller au plus difficile ». Et j'insiste, du point de vue du cheval, pas du point de vue de l'humain !
Quelques exemples. Il y a quelques années, lorsque nous décidions qu'un cheval devait passer les flaques, nous allions chercher une grosse flaque... et nous allions parfois au conflit. Aujourd'hui, nous attendons une bonne journée pluvieuse (ce n'est pas rare dans nos contrées) ; ainsi la frontière entre « zone-mouillée-non-flaque » et la « zone-flaque » est tellement ténue que le cheval s'habitue naturellement à passer les flaques.
Un autre exemple, ô combien classique : nombreux sont les cavaliers qui, pour leur sécurité, pensent-ils, vont commencer à monter leur cheval en carrière avant d'aller en extérieur. Ce peut être une bonne idée. Mais lorsque de l'autre côté de la carrière, il y a des chevaux qui s'ébattent ou le meilleur copain du cheval que l'on travaille qui l'appelle... ou les bruits d'un poulailler... on se met dans une situation difficile, puisque le cheval, au lieu d'être connecté avec son cavalier, ne pense qu'aux autres chevaux ou aux choses qu'il perçoit sans comprendre.
Le plus facile pour commencer à travailler son cheval, et obtenir une confiance mutuelle, c'est de se mettre dans un contexte avec le moins de distractions possibles, où le cheval se connectera naturellement avec son cavalier. Un cheval à l'écoute de son humain progresse très vite ! Ce peut être une carrière isolé, un bois, un chemin encadré... Une fois que le cheval aura compris qu'il gagne son confort en étant connecté à son cavalier et en suivant ses indications, alors, on pourra commencer à le travailler dans un contexte moins idéal.
Mais partir en extérieur avec sa monture, accompagné d'un autre cheval « copain » est aussi une façon de commencer de manière facile. Notre ami suivra gentiment l'autre cheval pendant qu'on le caresse, qu'on lui parle, qu'on lui transmet des ordres en cohérence avec ce que fait le cheval de tête.
En abordant le sujet du contexte, je me permets une petite aparté : beaucoup de futurs propriétaires angoissent à l'idée de se tromper lors de l'achat de leur cheval. Le choix de la pension et de la possibilité de s'isoler avec son cheval est trop souvent négligé alors qu'il sera déterminant dans la poursuite positive ou négative des relations entre le cheval et son cavalier. La présence d'une forêt est un élément souvent fortement positif.
4ème principe : varier
Je vais partir d'un exemple. Nous avons acheté un cheval qui testait en carrière. Et en extérieur ? La personne ne le montait pas en extérieur... trop dangereux...
Lorsque nous l'avons monté en carrière, effectivement, le cheval avait des réactions qui pouvaient être inquiétantes. Alors, nous sommes partis en forêt avec un autre cheval... et là, notre monture était intéressée par l'environnement... et ne pensait pas à tester. Au bout de quelques séances en forêt, nous l'avons remontée en carrière... et nous nous sommes rendus compte qu'elle était capable d'être « top ».
Notre analyse : le cheval, à force de toujours faire la même chose, qu'il savait déjà faire, s'ennuyait et a donc commencé à jouer à « que se passe-t-il si je ne fais pas ce que je sais devoir faire ? » En variant les séances, nous avons réveillé son envie, et il nous a montré ses capacités. Il me semble donc très important de varier, varier, varier : travail à pied en carrière, en extérieur ; travail en liberté ; travail monté en carrière, en extérieur... seul, à plusieurs, devant, derrière... parfois simplement amener le cheval pour brouter un peu de bonne herbe fraîche... et j'en viens ainsi naturellement à mon 5ème principe...
5ème principe : lire le cheval
Après avoir exposé le principe de la nécessaire variété des activités à exercer avec son cheval, j'en viens à une précision : c'est parfois le cheval qui nous indique la séance de travail. Il faut « lire » le cheval et être capable de changer la teneur de la séance. L'objectif étant toujours d'avoir obtenu du positif... même si l'on est pas dans le cadre de l'exercice que l'on avait prévu.
Si au moment de partir en balade, on ressent le cheval énervé, complètement « déconnecté », il faut être capable de renoncer et se dire « aujourd'hui, c'est séance « respect à pied » et éventuellement « immobilité au montoir » ». On va alors choisir les meilleures conditions pour obtenir du positif (voir 3ème principe). Si lors d'une « rando » on sent le cheval exaspéré (par les insectes ? À cause d'un autre cheval qui s'est immiscé entre lui et son meilleur copain ?...), il faut être capable de marcher à pied, en alternant arrêts et démarrages par exemple, en exigeant un parfait respect... avant de remonter un peu plus tard. De la même façon, il me semble aberrant de voir quelqu'un partir dans un travail complexe avec sa monture après un montoir conflictuel (cheval tenu serré à la bouche et qui trépigne). Cela ne vaut-il pas la peine d'obtenir d'abord un montoir pacifié ?
Pour conclure, je prendrai une image. En conduite automobile, en respectant à peu près le code de la route, on peut limiter les risques d'accident. Si on va plus loin, et que l'on respecte des principes d'anticipation, d'observation de l'environnement et de méfiance vis-à-vis de toutes les composantes de la circulation, on diminue beaucoup plus les risques d'accidents (c'est l'objet de stages de conduite de sécurité). De la même façon, si avec son cheval, on respecte à peu près ce que l'on a appris en club, on a plus de chance de s'en sortir que si l'on a jamais pris de cours. Mais en allant plus loin et en intégrant dans sa « réflexion-cheval » les principes énoncés plus haut (mais aussi d'autres idées que chacun peut trouver), on diminue fortement les risques d'échec.
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